Alors qu’elle couvrait les exactions menées par Joseph Kony et son Armée du Seigneur en Ouganda, Martina Bacigalupo s’arrête dans un petit studio de Gulu afin d’y développer quelques films. La photo-journaliste italienne née en 1978 y remarque d’étranges portraits en couleur dont le visage est systématiquement manquant. Le propriétaire des lieux lui explique alors que les Ougandais, dans leur lutte quotidienne pour surmonter 25 ans d’insurrections, sont amenés à rencontrer des institutions de tout type (armée, université, micro-crédits) qui exigent des photographies d’identité. Mais la précarité de leur situation et la pauvreté générale ne leur permettent pas d’assumer le coût des quatre portraits délivrés par un photomaton. Le propriétaire du studio leur propose donc à chacun un cliché unique sur lequel il découpe leur visage.
Interpelée par cette galerie de chutes, Martina Bacigalupo y voit le propos même d’un travail photo-journalistique. L’absence de visage oblige en effet le regard à se concentrer sur les poses, les mains, l’habillage et invite à considérer l’histoire et la société ougandaises sous un autre angle. Grâce à son oeil de photographe, elle sélectionne des clichés dont l’esthétique se révèle, qui plus est, aussi singulière qu’efficace. En parallèle, Martina Bacigalupo rencontre puis interviewe les hommes et les femmes dont elle a collecté l’étrange portrait. Compilées dans un livre, photographies et entrevues apportent un témoignage à la fois différent et anecdotique sur l’Afrique centrale. Un ouvrage intitulé « Gulu Real Art Studio » et que vous pouvez vous procurer sur Amazon.
Images © Martina Bacigalupo / The Walther Collection
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