Le photographe italien Matteo Mezzadri a récemment vu sa série « Le Città Minime » (La Ville Minime) retenue pour les Sony World Photography Awards. Une sélection amplement méritée puisque, si dans un premier temps il apparaît comme créatif et original, le projet, à l’observation, se révèle en plus particulièrement intéressant. En effet, en combinant installation et photographie, Matteo Mezzadri est parvenu à produire des clichés dont les contenus raviraient nombre de philosophes. Des blocs de brique brute ont été disposés de sorte qu’une ville virtuelle prenne forme. Le procédé permet de matérialiser l’idée de la Gestalt selon laquelle « le tout diffère de la somme de ses parties ».
Par cet axiome, l’Ecole allemande signifie notre incapacité à réellement saisir le tout – du fait de notre finitude humaine – et notre propension à tenter de le structurer, ou du moins de recréer ce que l’on ne peut en percevoir, en nous reportant à nos acquis et à notre bagage sémantique. Ainsi, face à « Le Città Minime », chacun d’entre nous avancera inconditionnellement l’idée de ville. Cependant, rien ne permet d’en définir quoi que ce soit. L’objet plastique obtenu s’apparente à la forme synthétique de ce que quiconque entend par « mégalopole », sans pour autant en représenter une en particulier.
Dans un second temps, Matteo Mezzadri a promené son objectif dans cette maquette, jouant sur la lumière et les plans pour obtenir des saisies de « quartiers », de zones, de rues. Cette ville universelle prend alors une signification particulière, trouve des résonances distinctes, au gré des projections du spectateur et de ce qu’il associe, selon son expérience, sa sensibilité, son imaginaire, aux parties sélectionnées par le photographe. Alors qu’aucune enseigne n’éclaire les façades, qu’aucun référant culturel ou social ne permet une identification formelle d’un endroit, de simples changements de reflets, de rapports spatiaux, vont inspirer des sentiments aussi divers que la peur, l’activité, la claustrophobie, le confort,… Et par cet exercice, Matteo Mezzadri révèle la puissance du filtre qui agit entre notre regard et nos perceptions, entre notre impuissance à saisir la complexité du tout et notre besoin le recomposer en identifiant et classifiant chaque détail.
Images © Matteo Mezzadri
Plus d’articles sur Matteo mezzadri