La photographie de Bruce Davidson s’articule autour d’une collision, le choc entre les notions de dignité et de différence. Né à Chicago en 1933 et diplômé de Yale en 1955, il préservera cette constante dans tous ses reportages, dimension humaniste du contraste entre âpreté d’un environnement et noblesse des sujets qui s’y débattent. Engagé par l’agence Magnum en 1958, il réalise cette même année « The Dwarf », une série de portraits d’un nain dans un cirque ambulant, et « Brooklyn Gangs » l’année suivante, où le pacifisme des clichés dénote ironiquement sur l’intransigence de leur intitulé.
Ce travail lui vaudra la reconnaissance du milieu, quelques mois avant celle du public qu’il obtiendra en immortalisant Marilyn Monroe sur le tournage de « Misfits » de John Huston. Fidèle à son regard, il y présente la star dans une blancheur quasi immaculée livrée aux crocs et canines d’un machisme hypocrite. Visionnaire ou mythique! Les oppositions formelles ou fondamentales crient à nouveau toute l’empathie du photographe. Néanmoins, l’amplitude et la sensibilité du regard de Davidson explosent entre 1961 et 1965, quatre années durant lesquelles il photographie de l’intérieur, dans un élan quasi militant, une Marche des Droits Civiques qu’il accompagne. Titulaire d’une bourse de la fondation Guggenheim, attribuée pour un travail sur la jeunesse américaine, il en perçoit le caractère et la fougue dans ce combat où jeunes, noirs comme blancs, avancent contre conservatisme et passéisme raciste. Quatre années de clichés, en plein air, témoins de la métamorphose d’une société implosée. Et toujours le même rapport à l’image, contraste entre décors et acteurs pour un seul cri: la dignité de l’Homme.
De 1966 à 1968, il retourne à une photographie plus intimiste en réalisant « 100th Street », une série de portraits du East-Harlem, de ses habitants, de leurs domiciles. En intérieur, cette fois, avec les moyens et techniques d’un studio, il poursuit sa démarche, fixant, figée dans la misère et le délabrement, la grandeur d’âme de l’inconsidéré. Enfin, dans les années ’80, passant parallèlement à la couleur, Davidson joint ces deux axes, dans son travail sur le métro New-Yorkais « Subway », où est immortalisée par des plans rapprochés, dans un espace pourtant public, l’effervescence de la cité. B-boy, junkies, business boys et graffiti, des tons aux intervenants, tout s’oppose et pourtant chaque cliché semble lancer un cri à l’unicité, au rassemblement.
Images © Bruce Davidson
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